Dans les débuts de l’activité loisir de la via ferrata, l’assurage était pratiqué avec les méthodes traditionnelles de l’alpinisme et de l’escalade en vigueur de l’époque. La corde faisait partie intrinsèque de l’équipement, et les premiers « ferratistes » évoluaient exclusivement encordés. L’usage d’un moyen d’auto-assurage a progressivement complété l’équipement. D’abord en corde, parfois remplacée par une sangle nouée, la longe bricolée permettait seulement d’éviter de tomber en pendule dans la corde de caravane, et de se reposer attaché à un barreau ou à une broche fixée dans le rocher. Cette longe a été à l’origine de graves accidents dès lors que les « ferratistes » ont abandonné la corde de caravane et commencé à se déplacer seuls, n’ayant plus qu’elle pour s’assurer. Les chutes devinrent alors très dangereuses, puisque le chemin de freinage était alors inexistant. Le choc engendré par l’arrêt brutal de la chute était entièrement reporté sur le matériel et le corps, entrainant soit la rupture de la longe ou du mousqueton, soit des blessures mortelles.
Dissipateur versus absorbeur
On a donc cherché à développer un outil autonome permettant de diminuer les conséquences de la chute en absorbant la plus grande partie de l’énergie libérée.
Les premières longes de via ferrata étaient composées d’une plaquette en aluminium trouée, trous à travers lesquels un morceau de corde coulissait en cas de forte traction. La plaquette, appelée aussi « absorbeur par frottement », se trouvait au milieu de deux bras en corde, ayant chacun à leur extrémité un mousqueton. En cas de chute, le bras libre de la longe constituait la réserve de freinage qui devait coulisser dans le frein.
Au début, l’utilisateur assemblait lui-même sa longe, en achetant séparément la plaquette trouée, la corde (pas toujours à la longueur suffisante ni au diamètre bien adapté, avec les dangers de blocage ou de non freinage que cela laisse imaginer…) et les mousquetons, pas toujours adaptés non plus à l’activité. L’assemblage était noué par l’utilisateur, avec à nouveau les risques liés à la malfaçon et à la méconnaissance des nœuds, des résistances etc… Peu à peu, les fabricants ont commencé à proposer des longes préfabriquées, d’abord aussi nouées, mais avec l’extrémité des nœuds sertis dans du plastique thermo-rétractable, puis enfin avec un assemblage cousu, ce qui laissait moins de place à la fantaisie, mais était nettement plus sûr !
En 2000, sur une idée de votre serviteur, la sangle de fixation cousue directement sur le frein fait son apparition, diminuant ainsi les risques liés à l’emploi d’un mousqueton à vis ou d’un maillon rapide employés jusqu’alors pour fixer la longe de via ferrata au harnais.
La forme de l’« absorbeur par frottement » a évolué en se simplifiant, avec la forme en V proposée par PETZL, et adoptée par de nombreux fabricants. La plaquette est plus petite, plus légère et moins sensible aux différences de diamètres de la corde.
Néanmoins, la forme de l’« absorbeur à frottement » à corde a fait long feu, suite notamment aux derniers essais effectués en 2012 par le DAV et la société Mammut Sports Group. Ces essais ont mis en lumière qu’avec le temps, la corde devant coulisser dans l’ « absorbeur par frottement » a tendance à durcir et à gonfler en vieillissant, empêchant de fait le bon fonctionnement du système. Des longes de différentes marques ont même cassé lors de ces tests…
Dans les années 2008, Mammut sort un nouveau frein, composé d’un « absorbeur par frottement » fonctionnant avec une sangle, fine au départ, puis devenant de plus en plus épaisse afin d’augmenter le freinage, donc l’absorption. L’entreprise recevra même un prix au Salon OutDoor de Friedrichshafen pour l’innovation qu’elle apporte. Malheureusement, des tests hors norme effectués par le DAV (Deutscher Alpin Verein) démontrent qu’une fois mouillée, la sangle ne coulisse plus suffisament… Qu’à cela ne tienne, les longes sont rappelées, imprégnées contre l’humidité, et le tour est joué !
Mais la construction s’avèrera trop coûteuse et peu rentable en terme de production.
Ce frein est donc abandonné, au profit de la nouvelle construction qui va s’imposer chez tous les fabricants dès 2010, l’« absorbeur par déchirement», inspiré directement d’un autre accessoire déjà employé depuis de nombreuses années en escalade de cascade de glace, l’ « absorbeur de choc ».
Chez l’absorbeur de choc, il s’agit d’une sangle pliée et dont les plis sont fermés par des coutures spéciales qui vont se déchirer en absorbant l’énergie du choc.
Dans le cas de la longe de via ferrata, il s’agit d’une sangle spécialement tissée en bloc de façon à se séparer en deux dans le sens de l’épaisseur, les fibres « verticales » liant le haut et le bas de la sangle se déchirant en absorbant l’énergie de la chute.
Au début du déclanchement, il y a peu de fibres verticales, et la force nécessaire pour les déchirer est relativement basse. Plus on avance dans le déchirement, plus le nombre de fibres verticales augmente, et plus l’absorption de la force s’accentue. On obtient ainsi un freinage progressif, très « confortable » et fiable. Ce nouveau frein à déchirement fonctionne plus ou moins indépendamment de l’humidité et de la température, et est protégé du frottement et de la saleté par une housse.
De plus, l’utilisateur n’a pas la possibilité de remettre en place le système une fois que celui-ci a fonctionné… On a vu dans le passé des utilisateurs retirer la corde en arrière à travers l’ancien « absorbeur à frottement » après une chute sur cet ancien système de frein à corde…
On trouve sur « youtube » un petit film sur des essais effectués en 2010/2011 par une équipe de guides de montagne de Salzburg, dans lequel la seule longe du test équipée d’un « absorbeur par déchirement» sort clairement en tête des résultats, avec le meilleur taux d’absorption de la force d’impact : « KLETTERSTEIGBREMSEN TEST ».
Longes en « V »
Le premier montage, fabriqué avec l’ « absorbeur par frottement », était appelé en « V », les deux bras formant un V.
Avec ce type de longe, il fallait toujours fixer un seul mousqueton à la fois sur le câble, le second bras constituant la réserve de corde pour le freinage. Le brin libre n’était employé que lorsque le grimpeur parvenait au prochain ancrage du câble. Une fois le second mousqueton accroché sur la prochaine section de câble, le premier mousqueton devait être décroché et le bras laissé pendu devant soi, devenant ainsi la nouvelle réserve de freinage. Le ferratiste n’était ainsi relié au câble qu’avec un seul bras de longe et un seul mousqueton… En cas de chute et de choc sur la broche d’amarrage du câble, le risque de rupture était immense !
En outre, l’erreur fatale consistait à crocher les 2 mousquetons simultanément sur la même section de câble, le frein ne pouvant alors plus fonctionner en cas de chute.
Longes en « Y »
C’est pour éviter cette erreur de manipulation potentielle de la longe en « V » que les longes en « Y » ont été développées dans les années 2000.
Il faut désormais toujours accrocher les 2 mousquetons au câble. C’est seulement au passage de l’ancrage du câble que le grimpeur se retrouve accroché avec un seul mousqueton pendant le court instant de transfert du matériel d’une section de câble à la suivante.
Au début, ces longes « Y » étaient construites avec le même « absorbeur par frottement » à corde que dans le montage en Y. Pendant l’été 2000, votre serviteur accompagnait une sortie avec des revendeurs en matériel de montagne sur la via ferrata du Col des Aravis. Cette via est relativement longue et sportive, et l’idée d’intégrer un mousqueton dans la boucle se trouvant à la base du Y nous a permis de pouvoir nous suspendre à l’un ou l’autre barreau pour nous reposer. L’idée de rajouter un troisième mousqueton intégré dans le système d’absorption pour l’auto-assurage était née…